Parfum & Illustration, interview olfactive d’Audrey Maillard

Suite à des études d’Arts Appliqués à Amiens, Audrey démarre sa vie professionnelle entre la société Inoui Editions de son amie Mathilde et Fragonard, avant de se consacrer pleinement à cette dernière.
La maison grassoise, historiquement spécialisée dans le parfum, possède trois univers : la parfumerie, la mode et la maison, qui tous trois réunis construisent une véritable identité de marque. Graphiste salariée de la société, Audrey travaille aujourd’hui quasi exclusivement pour la parfumerie, à l’exception de quelques projets pour la maison à la demande de Jean Hueges, directeur artistique, et de Léna Torino pour la mode.

Chez Fragonard, fragrances et illustrations sont souvent développées en parallèle à partir d’une idée de Madame Webster Costa, dirigeante de la société. L’un est aussi important que l’autre. L’univers de Mme Webster, marqué par les voyages et les lectures, est très présent dans les créations. Les packagings de la marque sont donc dessinés à la main, par des artistes professionnels, en France.

Ainsi, Audrey illustre les parfums à partir d’une idée et/ou d’une description olfactive. Il s’agit d’un travail à la fois figuratif et imaginatif. Hormis la fleur de l’année (NB : chaque année Fragonard célèbre une fleur et crée une gamme qui s’en inspire) qui est un travail direct, il faut travailler une inspiration et un univers. La collection des Jardins de Fragonard, et plus particulièrement le Jardin de Perse, en est un très bon exemple : « Pour ce projet j’ai fait des grenades totalement imaginaires. Cela reprend la forme du fruit, mais elles sont fleuries et les motifs inspirés de la pyramide olfactive du parfum » explique Audrey.

Le développement du packaging s’effectue en plusieurs étapes : Audrey peint puis présente ses aquarelles à l’équipe, suite à validation de ces dernières elle crée les compositions des packagings qu’elle retravaille jusqu’à validation définitive. Cette illustration servira ensuite parfois de support à la création de produits dérivés ou savons personnalisés reprenant le graphisme du packaging.

Afin d’en apprendre davantage sur cette artiste, voici un questionnaire de Proust olfactif pour mieux comprendre son univers, très marqué par la nature et les fleurs.

Si vous étiez un parfum / une odeur ?

Ce serait l’odeur du pétrichor, celle de la terre mouillée après la pluie. Cela me rappelle mes plus lointains souvenirs d’enfance, lorsque j’allais aux champignons, que je me promenais dans les bois et que tout à coup il y avait une averse : cela sentait super bon !

Une odeur de voyage ?

Celle de la crème de ma grand-mère qui vivait au Sri Lanka. Ils font des crèmes rose avec une odeur très particulière, assez épicée et un peu musquée, que je ne sentais vraiment que là bas.

Une odeur culinaire ?

J’adore manger et j’adore les épices ! En revanche il y a une odeur affreuse pour moi : lorsque mon père ramassait les escargots et les préparait en les faisant dégorger au gros sel puis bouillir dans l’eau chaude… c’était juste horrible. Je ne peux pas supporter l’odeur mais aussi tout ce qu’il y a autour, l’histoire que cela raconte, la souffrance animale : je suis très engagée sur le sujet depuis toujours.

L’empreinte olfactive d’un lieu ?

Ma cave, son odeur d’humidité, de vieille pierre, de sable mouillé. C’est une odeur assez commune aux caves des maisons anciennes.

Votre odeur préférée ?

Celle des feuilles et de la tige de tomate. C’est inclassable, entre fleurs et fruits, c’est frais… c’est mon petit plaisir olfactif quand je cueille les tomates dans mon jardin !

L’odeur que vous détestez ?

L’odeur du métro. C’est suffoquant, lourd, chargé, gras. J’adore Paris mais pour moi cette odeur là, c’est vraiment le mauvais côté de Paris.

Un souvenir olfactif marquant ?

Le parfum de la jacinthe sauvage, le muguet bleu, dans les bois. C’est l’arrivée du printemps, c’est magnifique en couleur, en odeur, en partage avec la famille, c’est vraiment beau.

Si pour Audrey le lien entre art, illustration, et parfum est direct et évident, elle n’en considère pas moins le parfum comme tel : « Je pense que le parfum est une forme d’art, c’est comme cuisiner un bon plat, il faut que ce soit équilibré, que cela plaise au plus grand nombre, que ce soit ciblé, mais avec des subtilités pour se démarquer des autres. »
Pour autant la place des artistes dans l’industrie est parfois peu visible, Audrey a d’ailleurs remarqué que ce n’est que depuis récemment que parfumeurs et artistes sont cités et mis en avant.

Depuis treize années au sein de la maison Fragonard, elle relève également que le made in France est de plus en plus au cœur du développement de la marque qui ne compte d’ailleurs pas s’arrêter là puisqu’elle a pour projet de développer ses propres champs de fleurs à Grasse qui feront sans nul doute l’objet de nouvelles futures aquarelles !