
L’odeur de la cannelle évoque indéniablement les fêtes de fin d’année : typique des marchés de Noël, parfumant le vin chaud, le pain d’épices, ou encore les incontournables bredele (petits biscuits alsaciens traditionnellement confectionnés à Noël), la cannelle a un parfum de fête. Si cela est particulièrement lié aux Noëls alsaciens ou allemands, il est à noter que la Grande-Bretagne et l’Amérique du Nord l’utilisent aussi traditionnellement pour orner leurs sapins de Noël de « scented ornaments », c’est-à-dire de décorations odorantes et naturelles faites maison.
Connue depuis l’Antiquité, elle est l’une des épices dont on a retrouvé les plus anciennes traces écrites. Répertoriée en 2700 avant J-C dans la pharmacopée de l’empereur chinois Shen Nung, elle permet d’accéder à l’immortalité selon les taoïstes. En Egypte, elle est utilisée pour les rituels d’embaumement et entre également dans la composition du Kyphi, plus ancienne formule de parfum connue à ce jour. Les voies orientales ouvertes par Alexandre le Grand la font connaître au monde gréco-romain. Synonymes de richesse, dès le 4ème siècle avant J-C, cannelle, myrrhe, safran et castoreum sont brûlés pour les grandes occasions mais également pour assainir la maison. En France, la cannelle fait son apparition au Moyen-Age, servant notamment à parfumer la fameuse boisson « hypocras ». Ainsi, le terme apparaît au XIIème siècle, comme dérivation du terme latin canna signifiant « roseau », en référence à sa forme de bâtonnet.

Principalement originaire du Sri Lanka (anciennement Ceylan), de Madagascar, des Seychelles et de Chine, le cannelier (cinnamomum zeylanicum et cinnamomum aromaticum) est un arbre de la famille des Lauracées particulièrement intéressant pour la parfumerie. En effet, l’écorce de la tige, les copeaux ainsi que les feuilles sont utilisés et traités afin d’obtenir différentes huiles essentielles.
Le principal extrait obtenu est l’huile essentielle de l’écorce, produit par distillation à la vapeur d’eau avec des rendements de 0,5 à 1%. L’écorce peut aussi être extraite aux solvants volatils, cette opération conduisant à l’obtention de 10 à 12% de résinoïde.
En parfumerie elle entre dans la composition du Parfum Royal, parfum romain du 1er siècle avant J-C repesé en 1996 à l’Osmothèque par Jean Kerléo. La formule de Pline l’Ancien, qui considérait ce parfum comme le « comble du raffinement », compte parmi sa trentaine d’ingrédients de nombreuses épices telles que la cannelle de Ceylan mais aussi la cardamome, ou encore le safran.
En 2010, la marque Histoires de Parfums lance 1889 Moulin Rouge, qui est depuis devenu la signature olfactive de ce cabaret parisien mythique : « Un premier accord de musique retentit, et le rideau se lève. Le spectacle des sens commence. La prune évoque la rondeur dorée d’une épaule, les danseuses font leur entrée. Dans une nuée de plumes et de paillettes, les corps se frôlent. La chaleur épicée de la cannelle monte aux joues, le sucre fond dans l’absinthe douce amère. »

Terminons cette année sur une note littéraire et gourmande en suivant la recommandation d’Alfred de Musset dans Il ne faut jurer de rien : « Vous vous mettrez au coin du feu, et vous nous commanderez un grand bol de vin chaud avec du sucre et de la cannelle. »
