Parfum & Danse, interview olfactive de Valérie Ly-Cuong


Opéra national de Lorraine, Nancy ©Valérie Ly-Cuong

Originaire du Sud de la France, fille d’un père vietnamien et d’une mère française, Valérie a démarré sa carrière de danseuse il y a 25 ans, mais son métier fantasmé est celui de … parfumeure !
Après une première partie de carrière à l’Opéra de Nice, proposant un répertoire de ballets classiques tels que Le lac des cygnes, Casse-Noisette ou encore Roméo et Juliette, elle décide de prendre un nouveau départ avec des créations plus contemporaines en intégrant le CCN Ballet de Lorraine à Nancy. Rencontre avec cette artiste passionnée de danse et de parfums.

Quelle est la place des odeurs dans votre vie ?

C’est un sens qui est très présent dans ma vie. Je suis très sensible aux odeurs, bonnes ou mauvaises d’ailleurs. Impossible pour moi de passer du temps à la maison sans allumer une bougie parfumée ou mettre un peu d’encens par exemple !

L’odeur de votre enfance ?

C’est une odeur de saison, une odeur que j’aime énormément : c’est le mimosa ! Le parfum de cette fleur me ravit, je crois que c’est Jean-Claude Ellena qui dit « c’est du soleil dans l’hiver » et je partage tout à fait cette vision. Ayant vécu à Nice jusqu’à mes 27 ans, c’est naturellement l’odeur de mon enfance.

Les odeurs que vous préférez ?

Le sud toujours, avec l’odeur des aiguilles de pin chauffées par le soleil, j’embête toujours beaucoup mon mari avec cela quand nous partons en vacances dans le sud l’été ! Ces aiguilles de pins maritimes tombées au sol, c’est quelques chose de très spécifique, que l’on peut notamment sentir aux îles de Porquerolles, aux îles de Lérins ou encore au cours d’une balade que j’aime beaucoup à Saint-Jean-Cap-Ferrat.
Il y a également une odeur qu’un ami m’a fait découvrir récemment, c’est le Palo Santo. Un bois originaire d’Amérique du Sud que l’on fait brûler pour purifier les intérieurs. Personnellement je l’utilise plutôt pour embaumer la maison, c’est une odeur que j’aime énormément, autant que la bougie Feu de Bois de Diptyque !

Des odeurs de voyage ?

Pour la petite anecdote, je ramène très souvent des odeurs/parfums de mes voyages.
En tournée à Tel Aviv, je me souviens être entrée dans une boutique où il y avait un parfum de musc que j’ai acheté et ramené à Nancy. Quelques années plus tard, j’ai demandé à un ami qui se rendait dans cette ville de m’en ramener un flacon, mais hélas, impossible de retrouver la boutique. Le musc de Tel Aviv… c’est un souvenir olfactif très fort pour moi !
Aussi, et c’est assez rigolo, mais à New York, très souvent dans les restaurants, les cafés, etc, ils mettent des bougies parfumées dans les toilettes ! Ce sont des bougies assez bon marché (on n’est pas du tout dans la bougie de luxe) que l’on trouve aux petits 7-Eleven du coin. Souvent ce sont des bougies à la lavande, j’en avais ramenées et pour moi c’est l’odeur de NY.

Une odeur culinaire ?

Nous avions loué une maison dans les calanques et, dans l’unique rue de la calanque de Niolon, il y a des pizzerias et des petits bars. Et je me souviens que lorsque nous sommes arrivés, cela sentait le pastis dans la rue ! L’air était parfumé au pastis !

L’odeur d’un lieu ?

Les temples au Japon ont une odeur particulière. Cela est notamment dû aux encens japonais qui y brûlent, et à l’armature en bois des bâtiments. C’est d’autant plus marquant qu’il y a peu d’odeurs au Japon.

La scène a-t-elle une odeur ?

L’Opéra de Nancy a une odeur. Une odeur que je lie au décor, avec le velours, le bordeaux, les dorures de la salle. C’est une odeur feutrée, que l’on retrouve souvent dans les théâtres.
Et pour moi l’odeur de la danse, c’est l’odeur du parquet de bois. Aujourd’hui hélas on ne danse plus sur le parquet, il est recouvert de linoléum. L’autre jour, dans le fond du studio de répétition, un petit morceau de lino s’était soulevé, et j’ai dit à mon collègue : « Tu sens cette odeur de parquet de danse ?? », et nous nous sommes retrouvés tous les deux à sentir le parquet de danse ! Cela m’a vraiment ramenée à mes débuts dans la danse, car hélas c’est une odeur que l’on ne sent plus aujourd’hui.

Une expérience synesthésique ?

Les danseurs du ballet ont parfois l’occasion de faire des cartes blanches, c’est à dire que l’on a une soirée où l’on propose, à qui le souhaite, de présenter une pièce ou autre. J’avais pour ma part proposé une expo photos, et dans la salle de l’exposition je diffusais du parfum (Ambre Sultan de Serge Lutens) car je trouvais que cela accompagnait bien l’image, cela ajoutait à l’expérience. Il s’agissait de photos que j’avais prises en dansant, c’était assez expérimental, avec beaucoup de flous dûs aux mouvements.


Exposition « Franck », CCN Ballet de Lorraine, Avril 2016 © Valérie Ly-Cuong

Un lien entre la Danse et le Parfum ?

Pour moi c’est principalement le côté créatif, création, qui lie les deux. Également le côté sensitif, sensoriel. Nous, danseurs, sommes effectivement beaucoup dans le toucher, mais il y a aussi les odeurs, celles de nos partenaires, leur parfum.
Je considère réellement le parfum comme un art. Avec un parfum on raconte une histoire, comme on raconte une histoire avec une pièce. On pose des questions. Et le parfum résonne chez chacun différemment, comme une pièce de danse résonne aussi différemment suivant les souvenirs, les goûts, la culture de celui ou celle qui en est spectateur. Pour moi il existe un vrai pont entre les deux.

©Valérie Ly-Cuong